Le 11 décembre dernier, le ministère des Ressources Animales et Halieutiques (MIRAH) produisait un communiqué de presse relatif à l’interdiction de la vente de volailles et de produits de pêche en dehors des marchés et points de vente autorisés en Côte d’Ivoire. S’appuyant sur la loi n⁰ 2020-995 du 30 décembre 2020 portant Code de la Santé Publique Vétérinaire et à la Règlementation régissant les conditions d’exercice des professions liées au commerce des animaux, des denrées animales et d’origine animale destinées à la consommation humaine et animale, le MIRAH indiquait que la vente de ces produits était une activité soumise à une déclaration obligatoire et devait exclusivement se dérouler dans les marchés conventionnels et les points de ventes autorisées.
En conséquence, toute vente de volailles vivantes et de produits de pêche en dehors des marchés et points de vente autorisés est strictement interdite, notamment le long des grandes voies, aux carrefours, dans les quartiers ou tout autre site non agréé.
Dans ce cadre, les services compétents du MIRAH procéderont à la saisie systématique de toutes les volailles et produits de pêche vendus illégalement en dehors des espaces réglementés.
IL FALLAIT S’Y ATTENDRE
Pour des personnes averties de la vie publique ivoirienne et de ce gouvernement, elles ne sont nullement surprises par cette sortie du MIRAH. En effet, on remarquera qu’à chaque événement important pour la vie sociale des populations, il faut toujours que le gouvernement s’en mêle négativement.
L’exemple palpable de la Coupe d’Afrique des Nations qui s’est déroulée cette année en Côte d’Ivoire est encore dans les mémoires.
À cette occasion où les Ivoiriens voulaient en faire une grande fête populaire, il a fallu de peu pour que le gouvernement ne gâche la fête. En adoptant, en effet, des mesures totalement impopulaires comme l’interdiction d’entrer dans les stades avec des maillots de l’équipe nationale non homologués par le ministère des Sports ou encore en interdisant aux maquis, bars, restaurants, hôtels…qui n’auraient pas reçu une autorisation spéciale, la diffusion des matches de football, le gouvernement a complètement ramé à contre-courant des aspirations du peuple. Il a fallu une fronde populaire et une menace de boycott de l’évènement pour les ramener à la sagesse.
Au Ghana voisin, les autorités gouvernementales ont interdit aux populations d’uriner dans les rues. Mais avant de passer à la phase de répression, le gouvernement a démocratisé la présence d’urinoirs dans la capitale Accra et ses alentours. Ce qui fait que les usagers n’ont pas de raisons d’outrepasser les recommandations prises car, l’Etat a prévu des palliatifs. C’est cela un gouvernement responsable, c’est de cette manière doit agir des personnes à qui le peuple à confier son destin. À savoir avec humanisme et responsabilité.
GOUVERNER, C’EST SURTOUT FACILITER ET AMÉLIORER LES CONDITIONS DE VIE DE SES POPULATIONS
« On gouverne pour qui ? ». À cette question, beaucoup répondraient facilement « pour le bien du peuple ». Mais nos gouvernants, surtout ceux en place depuis plus d’une dizaine d’années ont tendance à l’oublier. Gouverner, comme le dirait le philosophe, « c’est apporter le bonheur à son peuple, le rendre heureux ».
Mais ici en Côte d’Ivoire, gouverner c’est surtout prendre des mesures pour rendre difficile la vie aux populations. Ce qui est dommage avec cette mesure du MIRAH, c’est qu’on se posait la question en cette période de fin d’année, avec toutes les incertitudes liées à une année difficile pour des millions de personnes qui ont perdu leurs maisons à cause de l’opération « Abidjan, ville propre », pour des milliers d’élèves et étudiants qui ont vu leurs écoles détruites ou qui ont été expulsés des chambres universitaires…on se posait la question de savoir « d’où viendrait la prochaine crasse faite par le gouvernement ».
Et, cette réponse ne sait pas fait attendre. Comment peut-on raisonnablement penser qu’une ville comme Abidjan où vivent plus de 6 millions d’habitants peut arriver à contenter dans des marchés insuffisants en nombre cette masse qui voudrait au moins marquer cette fin d’année en s’offrant un repas pour oublier la misère du quotidien ?
Une autre chose, dans son communiqué, le MIRAH parle de « points de vente autorisées » et c’est là où le bas blesse et cela prête à interrogations. L’Ivoirien lambda se demande bien quels sont ces fameux points de vente ? Qui donne l’autorisation de les installer ? Les municipalités ou le MIRAH ? Quelles sont les conditions pour les établir ? Sont-elles (autorisations) délivrées en toute transparence ou bien elles font comme d’habitude l’objet d’un copinage ?
Quelles que soient les réponses données, il est évident que cette décision du ministre Sidi Touré tombe comme un cheveu sur la soupe et va engendrer des désagréments en à point compter. Les populations veulent un peu de paix, elles veulent que le gouvernement prennent les décisions qui leur permettront de finir l’année dans les meilleures conditions possibles. Pourquoi exiger d’elles de marcher plusieurs kilomètres pour s’acheter des volailles dans Abidjan déjà embouteillée depuis l’aurore ? C’est absurde et il faut le dénoncer avec la dernière énergie.
À quelques jours des fêtes, on remarquera qu’il n’y a aucun box homologué dans les quartiers annonçant une probable vente de volailles. Le gouvernement n’a fait aucune communication sur le sujet, à part ce communiqué lapidaire. Mais nous parions que si des commerçants établissent des points de vente dans les communes, il ne manquerait pas des agents soit disant assermentés pour venir illico presto enlever la marchandise et établir sous le manteau, une filière de rackets pour prendre de l’argent aux commerçants qui ne respecteraient pas les consignes édictées par le ministre Sidi Tiémoko Touré. Et à votre avis, quelles façons ces commerçants useraient pour rentrer alors dans leurs fonds ?
Cette décision, nous l’affirmons haut et fort, va justifier assurément l’inflation à la hausse du prix des volailles. Les prix des volailles telles que les pondeuses sont passés de 3.500 FCFA il y a une dizaine d’années à 5.000 FCFA de nos jours. On doit raisonnablement comprendre que cette décision du MIRAH va avoir une incidence haussière sur les prix des volailles en cette fin d’année.
Les consommateurs qui n’ont d’autres choix que des commerçants homologués par le ministère seront des proies bien faciles. Et en ce qui concerne les produits de la pêche, l’augmentation drastique du prix du fuel ( hausse de près de 35 à 40 %) des bateaux de pêche a entraîné logiquement la hausse des prix dans cette filière. « La mer est fermée » répètent désormais les commerçantes de poissons à qui veut l’entendre pour justifier l’augmentation des prix. Et comme d’habitude, ce sont les consommateurs qui devront payer le prix fort.
Avec donc ces difficultés du quotidien, la pauvreté qui colle aux basques, messieurs les membres du Gouvernement SI VOUS NE POUVEZ PAS NOUS ARRANGER, AU MOINS NE NOUS DÉRANGEZ PAS !
Idrissa Traoré dit Saboteur depuis Boundiali
Photo légendée : Marché aux volailles à Abidjan.