Près de 800.000 enfants exploités dans les champs de cacao
C’est assurément un reportage qui remet le couteau dans la plaie. En effet, le média de télévision français France Info TV dans son JT de 20 h le jeudi 06 mars dernier a fait un reportage sur l’exploitation des enfants dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire, le premier producteur mondial de cacao. Selon les estimations de ce média, 800.000 mineurs travaillent illégalement dans les champs pour renflouer la production.
Le journaliste dès l’ouverture de son reportage nous plonge au beau milieu d’une plantation de cacao en Côte d’Ivoire où il interroge un mineur du nom de Joël, 13 ans débroussaillant un lopin de la plantation en compagnie de ses deux frères. Le jeune garçon affirme faire ce travail depuis ses huit ans. « On vient ici tous les jours pour débroussailler, nettoyer et cueillir le cacao. Ce n’est pas dur le travail », explique-t-il. Dans le champ d’à côté, Rodrigue, 11 ans, travaille toute la journée dans la plantation familiale. D’après son père, il est scolarisé et il ne viendrait l’aider dans les champs que pendant les vacances scolaires et les week-ends. « C’est pour payer leur école (…) Sinon, moi, tout seul, je vais faire comment ? », confie le père de famille à la caméra. Un père qui dit être bien au courant que le travail des enfants est illégal dans le pays. « Mais, je n’ai pas le choix », se justifie-t-il.
UNE BRIGADE SPÉCIALE CRÉÉE
Selon certaines estimations, près de 800.000 mineurs travaillent dans les plantations de cacao de Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao. Si certains travaillent dans le cadre familial, ce n’est pas le cas d’autres venus souvent de pays voisins et qui sont surtout victimes de réseaux de trafiquants. Depuis quelques années, la police tente de combattre ces réseaux et mène régulièrement des opérations coup de poing. Une brigade spéciale de lutte contre la traite des enfants a même été créée à cet effet. Cette brigade est dirigée par le commissaire Luc Zaka. Lors d’une de leurs opérations suivies par le reporter de France Info TV, ce jour-là les éléments de la brigade se sont engagés dans une plantation suspecte en se faufilant à travers les cacaoyers. Le déploiement est rapide. « C’est pour qu’on puisse surprendre les enfants, sinon s’ils nous aperçoivent, ils vont prendre la fuite », indique le commissaire. Au milieu des champs, un campement. Le commissaire identifie rapidement une potentielle victime. Il interroge l’enfant qui a visiblement moins de 15 ans. « Pourquoi tu n’es pas à l’école et que fais-tu dans ce champ de cacao ? », demande-t-il au gamin. « Je coupe les herbes à la machette. Mon père est décédé au Burkina Faso. Ma maman est au Burkina Faso », répond-t-il. Le gamin dit que voir 16 ans mais il n’a aucun papier. Quant aux responsables de la plantation, ils sont tous absents. Le garçon lui est originaire du Burkina Faso, pays voisin beaucoup plus pauvre. Régulièrement, des enfants arrivent du Burkina ou du Mali. Leurs parents les ont confiés à un intermédiaire qui a promis de les envoyer à l’école en Côte d’Ivoire. « Le caractère traite des enfants est déjà avéré parce qu’il l’ont pris du Burkina pour l’emmener ici. Pas pour le scolariser mais pour l’exploiter dans une plantation de cacao », explique le commissaire Zaka. Faire travailler les enfants est passible de lourdes peines en Côte d’Ivoire, pourtant des dizaines d’entre eux sont encore victimes chaque année de ce trafic. Une fois récupérés par la police, ces enfants sont transférés dans un centre d’accueil flambant neuf où sont regroupés les enfants ivoiriens ou étrangers victimes d’exploitation. Une équipe d’éducateurs et de psychologues les prend en charge. Ils sont réscolarisés et apprennent un métier. Il y a des cours de couture et surtout il re-apprennent à jouer, à être des enfants tout simplement. Mais les traumatismes sont profonds. « Ils vont vous dire qu’ils ont ressenti un abandon, qu’ils ont ressenti des souffrances physiques et émotionnelles, la peur de mourir. Et à partir de cela nous mettons en place une stratégie de prise en charge psychologique pour ces enfants », révèle Firmin Cissé, psychologue dans ledit centre. En parallèle, une équipe spécialisée tente de retrouver les familles de ces enfants. Et si les conditions socio-économiques le permettent, ils sont renvoyés chez leurs parents, le plus loin possible des champs de cacao.
Olivier Guédé