Côte d’Ivoire/ Le prix du cacao fixé à 2.200 FCFA/Kg
De nombreuses incertitudes planent sur la petite récolte
C’est ce mercredi 2 avril qu’a été annoncé le prix du kilo de fèves garanti (2.200 FCFA/ Kg) au cacaoculteur ivoirien pour la récolte intermédiaire, qui court d’avril à juillet, et qui succède à la récolte principale qui vient tout juste de se terminer. Cette petite campagne, comme on l’appelle aussi, s’ouvre dans un contexte difficile en Afrique de l’Ouest, surtout pour la Côte d’Ivoire premier producteur mondial de fève de cacao.
L’année dernière, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont vu leur récolte baisser de plus d’un quart. Pour la Côte d’Ivoire, le premier fournisseur mondial de fèves, ce fut un vrai coup dur. Derrière cette baisse, il y a des raisons structurelles telles que le vieillissement des plantations et d’autres liées au climat. Personne ne croit à une production qui remontera cette campagne à 2 ou 2,2 millions de tonnes comme pendant les belles années, mais il n’y pas de consensus sur les chiffres prévisionnels.
L’Organisation internationale du cacao – qui regroupe pays consommateurs et producteurs – table sur une meilleure récolte que l’année dernière et annonce dans son dernier bulletin mensuel que les volumes de fèves acheminés dans les ports ivoiriens étaient, au 9 mars, en hausse de près de 15 % soit équivalent à 1,4 million de tonnes. Or ces chiffres sont directement liés à la production.
Du côté du Conseil Café Cacao, l’organe ivoirien de régulation, on est plus pessimiste et on craint ne pas faire mieux, voire moins : c’est-à-dire moins de 1,7 million de tonnes. Et moins de 400 000 tonnes, pour la petite campagne qui débute.
INDUSTRIELS ET CHOCOLATIERS ACHÈTENT LE MINIMUM
Environ la moitié de la petite récolte a été vendue en avance, mais il en reste encore autant qui n’a pas trouvé preneur, signe que les multinationales ne se précipitent pas et « qu’elles sont prêtes à ne pas faire tourner leurs usines à 100 % de leur capacité » témoigne l’un d’eux. Les industriels lèvent le pied, peut-être en espérant que les prix baissent, mais aussi parce qu’au bout de la chaîne, les chocolatiers ne font plus cinq à six mois de stocks comme avant mais commandent au compte-gouttes.
Visiblement contrarié par le peu d’engouement des multinationales implantées dans le pays pour la petite récolte, le Conseil Café Cacao a jugé bon de leur écrire. Afin de leur rappeler que les volumes de fèves qui leur sont théoriquement réservés à cette période de l’année seraient vendus à des négociants s’ils ne se positionnent pas pour acheter.
VENTES PAR ANTICIPATION TRÈS LIMITÉES
Face aux incertitudes de production, et à la grande prudence des acheteurs, le Conseil Café Cacao a décidé de limiter les ventes par anticipation pour la campagne 2025-2026. En temps normal, quand la production est bonne, 80 % environ de la récolte ivoirienne est vendue avec plusieurs mois d’avance, à un prix fixe. Cela permet aux industriels de garantir leur approvisionnement et aux pays producteurs d’avoir de la visibilité.
En ce moment la grande récolte qui débutera en octobre prochain est donc en train d’être commercialisée, mais tout doucement juste « pour tester le marché, sans prendre de risque », assure une source au sein du Conseil Café Cacao qui juge bon d’attendre la fin du printemps pour savoir s’il est judicieux de vendre 50, 60 ou 70 % de la prochaine récolte.
La hantise de la filière est de revivre le scénario de l’année dernière : selon les chiffres officiels, 80.000 tonnes de cacao avaient été vendues en trop, par rapport à la récolte. Ce qui veut dire autant de contrats qui n’ont pas pu être honorés en temps et en heure et qui ont dû être reportés sur l’année suivante, hypothéquant les futurs volumes disponibles à la vente.
Olivier Guédé
Photo légendée : Sacs contenant des fèves de cacao prêts à être expédiés.
Encadré
Le prix du cacao fixé à 2.200 FCFA/Kg pour la campagne intermédiaire
Le prix du Cacao a été fixé à 2.200 FCFA le Kilogramme pour la campagne intermédiaire 2024 2025. Avec ce nouveau prix annoncé par le Conseil Café- Cacao, l’on relève une hausse de 22,2%. Pour la campagne de commercialisation du café et du cacao 2024-2025, ouverte le 1er octobre 2024, le gouvernement a fixé les prix du kilogramme du café à 1.500 FCFA et celui du cacao à 1.800 FCFA.
On voit que l’Etat ivoirien a fourni un effort afin de fixer des prix à la hausse. Il s’agit certainement de faire ainsi barrage à la fuite du cacao national vers les pays frontaliers tels que le Liberia, le Ghana, la Guinée et le Burkina Faso. Mais la question est de savoir si cette hausse des prix va endiguer le phénomène, surtout quand on sait que le kilo de cacao se négocie à plus de 5.000 FCFA vers certains des pays cités plus haut. Le groupe Ecofin rappelait dans une de ces notes que depuis le début de la saison 2024/2025 en octobre dernier, entre 50.000 et 75.000 tonnes de cacao ivoirien auraient déjà passé la frontière vers la Guinée et le Libéria avec pour destination finale l’Asie. À l’origine de cette fuite massive, des gains importants à l’arrivée pour les producteurs et les intermédiaires. Il s’agit là d’un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards de francs CFA pour la Côte d’Ivoire.
OG