La grève du 03 et 04 Avril 2025 déclenchée par les enseignants du primaire, secondaire et technique réunis au sein de l’intersyndicale du Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation (IS-MENA) et du Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle (IS-METFPA) pour réclamer une prime d’incitation a connu un nouveau rebondissement ce lundi 7 avril. En effet, si chacune des deux parties gouvernement-grévistes tire le drap vers soi eu égard à l’impact supposé ou réel de cet arrêt de travail, toujours est-il qu’au cours de la cérémonie de salut aux couleurs, la Ministre d’Etat, Ministre de la Fonction Publique et de la Modernisation de l’Administration, Anne Désirée Ouloto semble avoir mis un peu d’eau dans son vin en déclarant publiquement que «Les revendications des syndicats sont légitimes, mais elles ne doivent pas compromettre le droit à l’éducation des enfants. Les syndicats, partenaires sociaux essentiels, doivent préserver la continuité du service public et garantir que les droits des enfants ne soient pas pris en otage ».
Autrement dit, poursuit-elle, «Le gouvernement reste ouvert au dialogue, structuré et institutionnalisé à travers divers comités. De nombreux acquis sociaux ont été obtenus grâce à ce dialogue, et le gouvernement assure que les préoccupations des fonctionnaires, en particulier dans le secteur éducatif, seront prises en compte avec sérieux et bienveillance». S’achemine-t-on vers le dénuement de la crise ? Rien n’est moins sûr car aucun autre signe de baisse de tension n’est venu confirmer la réalité des faits
Le gouvernement menace, les enseignants se braquent.
A la suite du lancement du mot d’ordre de grève par les enseignants, le gouvernement avait dans un premier temps, haussé le ton et n’avait pas hésité à travers un communiqué du Ministère de la Fonction Publique de lancer un «ultime appel» à la responsabilité en prévenant que « tout enseignant absent de son poste ce lundi 7 avril 2025 à 07h00 serait considéré comme démissionnaire ». Selon le gouvernement en effet, le mouvement de grève était jugé «illégal et inopportun», et il dénonçait une rupture unilatérale du dialogue social par l’IS MENA et l’IS METFPA, malgré les efforts de médiation et les négociations toujours en cours dans le cadre de la trêve sociale. Le gouvernement avait ajouté que «tout enseignant qui ne sera pas à son poste de travail à compter du lundi 7 avril 2025 à 07 heures 00 minute sera considéré comme démissionnaire et traité comme tel, conformément aux dispositions du statut général de la Fonction Publique ». Avant d’ajouter qu’ «En conséquence, et conformément à l’article 101 du statut général de la Fonction Publique, une procédure disciplinaire spéciale sera engagée contre les contrevenants à l’obligation de loyauté dans le service public». Pour le gouvernement, l’Etat avait suffisamment consenti beaucoup de faveur aux fonctionnaires depuis 2012, avec plus de 2 700 milliards FCFA investis dans l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, à travers la revalorisation des indemnités, le paiement d’arriérés, et l’instauration d’un dialogue social permettant une trêve sociale et que la porte du dialogue restait ouverte.
Bras de fer
Dans une nouvelle déclaration en date du 06 Avril 2025, les enseignants, par la voix de leur porte-parole, Blé Bli David, ont fait savoir que la menace contenu dans le communiqué ci-dessus cité, est «l’expression affichée de la rupture du dialogue et la volonté manifeste de privilégier la voie de la répression au détriment de la satisfaction de la revendication portant octroi d’une prime d’incitation au personnel du secteur éducation-formation, comme le réclame l’ensemble des enseignantes et enseignants». Et cela d’autant qu’ils ont toujours répondu présents à la table de négociation, alors que le gouvernement joue du dilatoire et repousse indéfiniment l’échéance. De plus, ajoute Blé Bli David, les autorités saisies par courrier, notamment le Premier Ministre, sont restées muettes face à la revendication des enseignants. C’est pourquoi, ils exigent non seulement l’octroi de la prime d’incitation mais aussi la libération de leur camarade Assi Ghislain Duggary arrêté à son domicile. Aux dernières nouvelles, les enseignants ont décidé de reconduire leur mouvement de grève, les 07 et 08 avril 2025 en dépit des menaces du gouvernement. De plus, les élèves se sont mêlés à cette énième crise du secteur éducation-formation, donnant ainsi un cocktail explosif dans une atmosphère déjà (très) délétère.
Fidel Koné
Encadre
Point de la situation au 07 Avril 2025
Selon, l’IS-MENA et l’IS-METFPA le taux d’exécution du mot d’ordre de grève sur toute l’étendue du territoire national, le 07 Avril 2025 à 15h30, se présente ainsi : Enseignement Secondaire Général, Technique et Professionnel : 97,69%, Préscolaire et Primaire : 82,75%, les CAFOP et les APFC : 80,66%. De façon détaillée, les statistiques font ressortir le tableau ci-dessous :
LOCALITE
TAUX DE REALISATION
GUIENDE 3
83%
TEHUI 1
83%
TEHUI 2
100%
IGUELA 1
100%
IGUELA 2
100%
ASSAFO
100%
BAKOTIA
100%
BELEOULE
100%
KONGODJAN
100%
Mater IGUELA
100%
TANDA 6
100%
AMANVI 1
100%
AMANVI 2
100%
ADJEIBANGO
100%
LYCÉE MODERNE VAVOUA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE GADOUAN
FERMÉ
LYCÉE MODERNE ZAÏBO
FERMÉ
COLLÈGE MODERNE GREGBE
FERMÉ
LYCEE MODERNE IBOGUHE
FERMÉ
COLLEGE MODERNE NAHIO
FERMÉ
LYCÉE MODERNE BOGUEDIA
FERMÉ
LYCEE MODERNE DE PORT BOUET
FERMÉ
COLLEGE MODERNE N’GUYAKRO
FERME
LYCEE DE GARÇON DE BINGERVILLE
FERME
LE LYCEE MODERNE D’ ANIANSUE
FERME
COLLEGE MODERNE KANDIA CAMARA DE NAFOUN
FERME
TOUTES LES ECOLES DE NAYO IEPP (PRIMAIRE PUBLIQUE) COMME SECONDAIRE
FERMEES
LE LYCEE GOFFRY
FERME
LYCEE TOUSSAGNON FERMES
FERME
COLLEGE MODERNE DE KOUMBALA
FERME
DABILAIO
100%
LOMO 1
100%
LOMO 2
100%
TANGAMOUROU 1
100%
TANGAMOUROU 2
100%
AHIBANGO
100%
SOKOUADOU
100%
TECKO
100%
SEPE
100%
IEPP AHOUANOU
Toutes écoles préscolaires et primaires publiques
COLLEGE MODERNE1 ET 2 DE MOROKRO
FERME
COLLEGE MODERNE SOGEFIA YOP
FERME
COLLEGE MODERNE DJOROBITE
FERME
RUBINO
Les EPP et lycée fermés
LYCÉE MODERNE 1 DALOA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE 2 DALOA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE 3 DALOA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE 4 DALOA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE 5 DALOA
FERMÉ
LYCÉE KHALIL DALOA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE KENNEDY
FERMÉ
LYCÉE ANTOINE GAUZE
FERMÉ
LYCÉE MODERNE ISSIA
FERMÉ
LYCÉE MUNICIPAL ISSIA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE SAÏOUA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE ZOUKOUGBEU
FERMÉ
LYCÉE MODERNE GONATÉ
FERMÉ
LYCÉE MODERNE BEDIALA
FERMÉ
LYCÉE MODERNE SEHITIFLA
FERMÉ
NB : La grève serait également très suivie dans la très grande majorité des lycées d’excellence d’enseignement général et technique
FK
Source IS-MENA-METFPA
Encadre
D’une prime à une autre
Le pouvoir appartient incontestablement à la force des armes et des bruits de bottes. En mai 2017, 8.400 ex-rebelles, qui ont intégré l’armée régulière, ont engagé une mutinerie au risque, comme en décembre 1999, de renverser les institutions républicaines. Ils ont exigé et obtenu dare-dare, pour leur participation à l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir, le versement d’une prime de cinq millions de nos francs (5.000.000 f) pour chacun, soit 48 milliards de F CFA. En mai 2024, ils ont repris les armes. Le pouvoir a versé illico presto à chacun des 8.400 insurgés, une autre prime de sept millions de f CFA (7.000.000 f), soit 58 milliards 800 millions de nos francs. Le total des douze millions de francs à chacun, pour sa «prime de félicitation», a représenté le pactole de 106 milliards 800 millions de francs sortis des caisses de l’Etat. Sans menaces des autorités ni mises aux arrêts militaires. Autre réalité, autre méthode. En effet, le pouvoir est déterminé à en faire voir de toutes les couleurs aux enseignants du primaire et du secondaire aux mains nues. Pour répondre à leurs revendications légitimes en faveur d’une «prime d’incitation», le pouvoir, après avoir usé du dilatoire, abuse du bâton. Assi Ghislain Dugarry a été, sans mandat, arrêté manu militari et sa maison vandalisée, pour la grève des 3 et 4 avril 2025 alors que l’article 8 de la Constitution dispose que «le domicile est inviolable». C’est la technique éculée de la monnaie d’échange pour noyer le poisson. Maintenant, le régime veut passer à la vitesse supérieure pour mieux étouffer la Loi fondamentale, dont l’article 17 dispose: «Le droit syndical et le droit de grève sont reconnus aux travailleurs du secteur privé et aux agents de l’administration publique». De ce fait, la sanction qu’il se prépare à infliger aux enseignants grévistes des 8 et 9 avril 2025 est de les considérer ipso facto comme des «démissionnaires». Et le pays, pour régner par la contrainte, s’enfonce dans l’arbitraire.
Pris sur la page FACEBOOK de Ferro M. Bally