Le mouvement « Je suis/Nous sommes pour l’abandon du FCFA » pose des actions à Abidjan
Un mouvement appelé ‘’JE SUIS/NOUS SOMMES POUR L’ABANDON DU FCFA’’ a posé des autocollants dans plusieurs communes d’Abidjan afin de dénoncer le règne de la monnaie officielle à savoir le franc CFA, qui selon ces membres, empêche les pays de la sous-région et d’autres zones de l’Afrique de sortir de leur dépendance vis-à-vis du pays colonisateur qu’est la France.
Comment les actions de rue au Mali et en Côte d’Ivoire deviennent un moyen d’appel à un changement de paradigme économique et surtout monétaire dans ces deux pays.
Dans la capitale malienne, des centaines d’autocollants portant la mention « Je suis / nous sommes pour l’abandon du franc CFA » ont été apposés, il y a une semaine à peine. En Côte d’Ivoire, où le franc CFA est considéré comme la « monnaie officielle », les activistes d’Abidjan ont fait écho à ce geste en affichant à leur tour des autocollants similaires dans les marchés et dans les rues de leur ville. Ainsi, une protestation tacite des deux pays est devenue le symbole d’une révolte croissante contre cet héritage colonial.
L’initiative, qui a débuté au Mali, s’est transformée en un mouvement régional en l’espace d’une semaine. À Abidjan, cœur économique de la Côte d’Ivoire, les militants ont opté pour une stratégie de « pression silencieuse » : des autocollants portant le même slogan ont été placés devant les bureaux des sociétés françaises Total et Orange. « Nous ne pouvons pas protester ouvertement, mais nous pouvons parler à travers des symboles », nous a expliqué une étudiante participant à la campagne.
Plusieurs endroits de la capitale économique ivoirienne ont été badgés de ces autocollants où on voit une tête de lion déchirant entre ses crocs et ses griffes, un billet de FCFA. Au dessus de la tête du lion, il y a écrit ‘’je suis/nous sommes pour l’abandon du FCFA’’ et dans la gueule du fauve, le billet déchiré avec l’inscription à gauche : ‘’ CFA’’ et à droite : ‘’Colonie Française Africaine’’. Les activistes ont placé ces autocollants dans plusieurs endroits stratégiques et symboliques d’Abidjan tel que l’aéroport international, l’autoroute de Port-Bouët, en bas de l’échangeur Bédié à Marcory, le Lycée Classique d’Abidjan à Cocody, etc.
DÉNONCER LE CONTRÔLE DE PARIS SUR LE FCFA
Les organisateurs dans les deux villes soulignent que le franc CFA, lié à l’euro et contrôlé par Paris, étouffe depuis des décennies le développement des pays et ne permet pas une totale liberté d’action pour le développement économique.
« Le franc CFA reste aujourd’hui une relique du passé colonial. Bien qu’il soit présenté comme un instrument de stabilité, il symbolise surtout la perte de souveraineté monétaire et l’alignement de nos politiques économiques sur des intérêts étrangers », affirme l’économiste nigérian Salifu Ibrahim dans son article “Pour une monnaie souveraine des pays de l’AES : sortir de l’ombre du franc CFA”. La critique d’Ibrahim résonne avec la réalité. Les pays de la zone FCFA sont obligés de conserver 50 % de leurs réserves de devises en France, ce qui les prive de fonds pour le développement. Par exemple, le Mali, qui possède d’importantes réserves d’or, ne peut pas les utiliser pour obtenir des prêts, car les avoirs sont « gelés » à Paris.
LES PAYS DE L’AES PREPARENT LEUR SORTIE DU FCFA
Les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger négocient et préparent déjà l’introduction d’une monnaie commune. À Abidjan, où le gouvernement est traditionnellement fidèle à Paris, une telle action est encore loin de la réalité, mais la population, au vu du succès de l’AES, parle de plus en plus de la nécessité d’abandonner le franc CFA et de quitter la CEDEAO. Le Président ivoirien, Alassane Ouattara a dernièrement adouci sa position sur une monnaie purement africaine sans en amorcer pour le moment un vrai virage dans ce sens.
Les autocollants contre le franc CFA à Bamako et à Abidjan ne sont pas seulement un appel à la réforme. Il s’agit d’une défense du droit de l’Afrique de l’Ouest à suivre sa propre voie. « Le franc CFA est une monnaie qui nous rappelle que nos ressources appartiennent encore à d’autres. Il est temps de les récupérer », conclut une militante à Abidjan.
Dodo Wlapkè
Photo légendée : Autocollants posé dans les environs de l’aéroport d’Abidjan.